Un dialogue entre Bukowski et Emil Cioran sur la contradiction entre les gens.

Bukovksy : D'une voix en colère, il prend sa cigarette et souffle de la fumée dans l'air. 

Vous parlez du nihilisme comme s'il emplissait l'âme. Ces gens, tournant en rond sans fin, cherchent un sens qu'ils n'osent pas affronter. Ils se croient libres alors qu'ils sont prisonniers de leurs illusions. Si la vie n'est qu'une suite de contradictions, pourquoi se torturent-ils en prétendant pouvoir changer quoi que ce soit ?

Cioran : Il tourne lentement la tête, puis soupire. 

Ils ne se torturent pas seulement eux-mêmes, ils créent eux-mêmes la douleur. Ils se dirigent vers le néant les mains ouvertes, comme s'ils voulaient toucher un mirage. Ils pensent que chercher quelque chose – n'importe quoi – leur apportera le salut, mais en réalité, chaque pas les éloigne de la vérité. On le voit dans chaque recoin de leur vie. Ils voient la contradiction en toute chose, mais ils ne peuvent y échapper. C'est pourquoi ils courent après les illusions.

Bukowski : Il rit sarcastiquement. Et vous ? 

Cioran : Calme mortel, haussant les sourcils. 

Non, nous faisons partie de ce mensonge, mais nous n'y vivons pas comme les morts qui traversent la vie sans ressentir quoi que ce soit. Nous en sommes conscients, nous le voyons très clairement. 

Et c'est là la plus grande contradiction : être conscient de ce qui se passe, mais incapable d'y échapper. Pire encore, on trouve une sorte de réconfort dans cette conscience. 

Nous ne sommes pas au-dessus de ces illusions, nous en sommes au cœur. 

Au lieu de les fuir, nous essayons de les comprendre, ou peut-être cherchons-nous des moyens de les imiter par une astuce qui les rend moins hideuses.

Bukowski : Il le fixe, puis prend une profonde inspiration. 

Et vous, pensez-vous vraiment que cette conscience est tout ce que nous avons ? 

Trouvez-vous du réconfort à toujours penser que la vie n'est qu'une farce ? 

Ne voyez-vous pas que c'est cette conscience même qui donne aux gens un sentiment d'impuissance ? Où est l'action ? 

Où est le pouvoir ? 

Je dis que les gens doivent agir, se mettre les pieds dans la boue. Peu importe que la boue soit réelle ou non. Ce qui compte, c'est qu'ils ressentent quelque chose de réel.

Cioran : Il se tourne doucement vers la fenêtre, croisant les mains pensivement. 

Bukowski : Il est entraîné dans cette profonde contemplation. 

Mais qu'en est-il de la vie ? 

N'y a-t-il pas de place pour la rébellion ? Pour une explosion contre cette contradiction incessante ? Nous ne pouvons pas vivre nos vies comme un rêve brumeux. 

Nous ne pouvons accepter la vie comme un simple jeu comique. La rébellion elle-même pourrait être une forme de compréhension. Ou du moins une forme de résistance à ces contradictions qui vident tout de sens.

Cioran : Il reste silencieux un moment, puis parle à voix basse : 

« La rébellion n'est pas la solution. Car la rébellion elle-même fait partie du jeu. Nous résistons, mais au final, nous retournons au même trou d'où nous venons. Chaque cri que nous poussons est un cri vers le vide. Le seul combat qui vaille la peine est celui contre soi-même, contre le fait que nous vivons dans cette contradiction et que nous n'en sortirons jamais. 

Et lorsque nous en prendrons conscience, peut-être atteindrons-nous le seul soulagement possible. »

Bukovksy : Il reprend sa cigarette, expirant la fumée avec force. 

On pense que le silence est la solution, mais c'est ce silence qui tue. Le silence nous force à vivre comme nous sommes, alors que nous devons crier aussi fort que possible. La contradiction est peut-être la seule vérité, mais même dans la contradiction, il y a de la vie, même si elle est pleine de sang.

Cioran : Il sourit d'un sourire froid.

« Peut-être, mais même le sang n'est qu'un piège parmi d'autres. 

La vie, dans son ensemble, n'est qu'une contradiction, et toute tentative de la comprendre approfondit cette contradiction. On peut crier, on peut vivre, mais au final, tout revient au point de départ : on ne sait rien. Et c'est cette contradiction qui nous fait vivre dans ce vide rempli de questions. »