Être humain dans un monde sans réponses
(Dans le miroir des déchirures... Milan Kundera et Tony Soprano)
Dans le monde de la littérature et du théâtre, il existe des personnages inoubliables non pas parce qu’ils sont idéalistes ou héroïques, mais parce qu’ils représentent l’homme tel qu’il est : contradictoire, fragile, violent et confus. Parmi ces personnages j'ai fait un mix pour mon meilleur écrivain
Milan Kundera, le romancier tchèque qui a écrit sur la « légèreté de l'être » et son absurdité existentielle, avec le meilleur acteur dramatique, James Gandolfini. Tony Soprano, le chef de la mafia américaine qui s'est assis sur le divan de la psychanalyse plus que sur le trône de son pouvoir. La plupart des personnages de Kundera souffrent d’anxiété excessive, de peur et d’une lutte contre l’aliénation, il n’était donc pas difficile d’inclure le personnage de Tony Soprano parmi les personnages de Milan Kundera.
Kundera : Le philosophe qui écrit en tremblant
Milan Kundera n’est pas un écrivain conventionnel, mais un philosophe sous une forme ironique. Dans ses romans, l’homme est dépouillé de son héroïsme et devient un être trivial en quête de sens dans une histoire qui se moque d’elle-même. Chaque personnage de Kundera est une question, et chaque histoire est un microscope qui révèle la fragilité de l’existence.
Il a écrit dans L'Insoutenable Légèreté de l'Être : « L'homme ne peut vivre qu'une seule vie, et il n'a aucun moyen de la comparer à une autre pour juger si elle est la meilleure ou non. Il ne peut pas vivre plusieurs vies pour choisir la meilleure, alors tout semble se produire pour la première fois, comme si cela ne s'était jamais produit auparavant. »
C’est cette conscience du poids des décisions, malgré leur fragilité, qui pousse Kundera à écrire, non pas pour glorifier l’homme, mais pour révéler sa nudité existentielle.
Kundera est l’écrivain qui a choisi l’exil non seulement pour échapper au pouvoir, mais aussi pour échapper au langage lui-même. Il écrivit même plus tard en français pour recommencer, comme s'il s'échappait de sa propre voix pour écouter l'écho de lui-même. Il dit dans le Livre du rire et de l’oubli :
« La lutte entre la mémoire et l’oubli est la lutte entre l’homme et le pouvoir. »
Tony Soprano : Le monstre qui avait peur de dormir
Tony Soprano n’est pas seulement un chef de gang dans une série télévisée américaine, mais le miroir de l’homme moderne déchiré entre le pouvoir et le vide, entre la paternité et le crime, entre le désir d’immortalité et la peur de la mort. Il s'assoit dans le bureau du psychiatre non pas pour être guéri, mais pour essayer de se comprendre lui-même. Il a dit un jour au médecin :
« J'ai parfois l'impression que le monde moderne a perdu quelque chose. Les gens ne savent plus qui ils sont ni ce qu'ils veulent. »
Tony est un tueur, mais il est fragile. Il pleure à cause d'un canard qu'il a élevé dans son jardin parce qu'il sent que l'animal « lui a donné un amour inconditionnel », quelque chose qu'il n'a pas trouvé même chez ses proches. Il demande dans l’un des dialogues :
« À quoi bon tout ça ? L'argent, le pouvoir, le respect… quand on ne peut pas dormir la nuit sans voir le visage de ceux qu'on a tués ? »
C'est un homme qui vit une lutte intérieure sans relâche. Il veut être fort, mais il n’a pas confiance en sa force. Il règne sur le monde souterrain, mais son monde intérieur est le chaos. Le médecin lui donne un langage pour exprimer ses sentiments, mais il ne trouve pas le courage de changer sa vie. Dans une autre interview, il dit :
Peut-être que je ne suis pas la mauvaise personne que je pense, mais je ne suis pas non plus la bonne personne que j'étais censé être.
Entre Kundera et Toni : l'homme tel qu'il est
Il peut paraître étrange de combiner un écrivain satirique et philosophe avec une figure dramatique violente, mais Kundera et Toni se rencontrent dans quelque chose d’essentiel : une humanité fracturée. Ils vivent tous les deux dans un monde qui ne fournit pas de réponses, seulement des questions trop lourdes à poser et trop légères à répondre. Tous deux s'échappent : Kundera s'échappe du sérieux dans la philosophie ironique, et Toni s'échappe de ses sentiments dans un masque de pouvoir.
Kundera dit dans l’une de ses interviews :
L’écriture est un acte de résistance contre l’oubli.
Mais Tony vit le contraire : tout en lui cherche à oublier, à enterrer le souvenir, à se taire.

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